Préparée par Jacques Mireur, l’exposition présente un remarquable panorama de l’œuvre de ce peintre, dessinateur, caricaturiste et écrivain, de son vrai nom Louis Alexandre Gosset de Guines.
Il vient au monde le 17 octobre 1840 à la maternité de Port Royal et sera élevé par son grand-père après la disparition de son père, le comte de Guines mort très jeune, puis de celle de sa mère, jeune couturière non mariée.
Bel homme au physique avenant, il est stagiaire dans un cabinet d’architecte, dessine sur étoffe et collabore parfois au « Mercure Galant » et à la « Revue pour Tous ». Dessinateur plein de talent, il choisit le pseudonyme de Gill et participe à des revues satiriques, dont « l’Eclipse », stigmatisant les conservatismes et les contrastes choquants d’une société française issue du gouvernement de Napoléon III, révoltée par la politique d’Adolphe Thiers et portant les ferments de la Commune dont il sera un témoin exceptionnel, mettant son crayon au service de la lutte sociale.
Ami de Jules Vallès qui écrit dans le journal « le Cri du Peuple » : « Fils des désespérés, tu seras un homme libre », il sera le d’Artagnan du crayon pour accompagner de son trait acéré les violentes charges des hommes politiques.
Il y apportera une ampleur, une puissance, rares chez les caricaturistes : Victor Hugo et Thiers en sont les témoins irrécusables.

Caricaturée sous l’allégorie de « Madame Anastasie », la censure fut pour lui une véritable obsession, tant sous l’empire, où le journal « l’Eclipse » fut saisi 22 fois, que sous la République qui ne se privera pas de l’appliquer jusqu’en 1881 ! Comme le rappelle Claude Chanaud : « … la censure politique est un fait récurrent de l’histoire des hommes quand elle hésite entre le dirigisme feutré et la main de fer des totalitaires. ».
Ses premiers dessins furent publiés en 1859, dans « Le Journal Amusant », « Le Hanneton », « La Rue » de Jules Vallès, « Le Charivari », « La Lune » en 1866, « L’Eclipse » en 1868. La même année, il fonde « Gill-Revue », suivie de « La Parodie » (1869-1870), « La Lune Rousse » en 1876, « Les Hommes d’aujourd’hui » en 1878, « La Petite Lune » (1878-1879) et « L’Esclave ivre » en 1881.
Extrêmement prolifique, il dessine sans relâche et certaines des caricatures sont restées célèbres, visant les hommes de son temps, amis ou cibles désignées : Léon Gambetta, Richard Wagner, Alexandre Dumas père, Georges Bizet, Victor Hugo, Charles Dickens, Jules Verne, Adolphe Thiers…
André Gill représente toute l’histoire du journalisme illustré de la fin du Second Empire et du début de la III° République.

L’anecdote du « Lapin Agile » illustre bien la vivacité de son esprit et l’extraordinaire faculté de réaction qui accompagnait l’immédiateté de son analyse. Sur un mur du cabaret montmartrois des Assassins où avait « erré » son pinceau, un client avait écrit : « Là peint A.Gill. », phrase qu’il illustra aussitôt en peignant un malicieux « LAPIN AGILE » s’échappant d’une casserole. Ce calembour en image devint alors l’enseigne qui désigne aujourd’hui encore ce cabaret.
La fin de son existence fut dramatique. En proie à une profonde déréliction, il sombra dans un désespoir qui le mena à la folie. Jules Vallès alla le chercher à Bruxelles pour le ramener à Paris où il finit tristement sa vie, le 1er mai 1885, dans un pavillon délabré de l’asile de Charenton où il avait été admis grâce à une souscription publique organisée par le poète Emile Cohl.
Inhumé au cimetière du Père-Lachaise, il repose sous un buste réalisé par Laure Coutan.